Le grand pèlerinage à La Mecque, “Hajj” en arabe, est le cinquième pilier de l’Islam obligatoire à tous musulmans ayant la capacité physique et financière de l’accomplir au moins une fois dans sa vie.
La péninsule arabique ou le chaos et l’instabilité
Formée de petits émirats, la péninsule arabique était alors instable et le chaos y régnait. Tous les voyageurs qui y passaient étaient exposés au pillage, et les pèlerins n’étaient pas plus épargnés mais au contraire les plus touchés.
Les conditions des pèlerins étaient dominés par la peur, la panique mais aussi la maladie, le stress, et ce, avant l’ère saoudienne. Ils ne marchaient jamais seuls, mais toujours en groupe, par crainte d’être tués par les brigands.
Lorsqu’un homme décidait de voyager pour le Hajj, sa famille et ses amis lui disaient : “Celui qui revient du pèlerinage sain et sauf est un miraculé”.
Les conditions de sécurité lors du Hajj
Ibrahim Refaat, auteur du livre Le miroir des deux saintes mosquées, a décrit les situations de sécurité à La Mecque, au début du XXème siècle, en disant que ceux qui souhaitaient visiter Jabal-Al-Nour, une montagne proche du Masjid-Al-Haram où se trouve la grotte de Hira, devaient transporter avec eux suffisamment d’eau. Également, ils devaient obligatoirement formés des groupes pour s’y rendre et porter des armes contre les voleurs.
L’auteur rapporte dans son livre l’histoire d’un bédouin qui a tué un pèlerin et n’a trouvé sur celui-ci qu’un riyal (l’équivalent aujourd’hui de vingt centimes). On lui dit alors en dénonçant un tel crime : “Tu as tué pour un seul riyal ?”. Il répondit alors en riant : “Un riyal est mieux que lui !”
Les autorités à l’époque ne prenaient aucune mesure pour défendre les pèlerins et empêcher de tels crimes, au point où une querelle entre bédouins eut lieu devant eux sans qu’ils n’agissent, faisant ainsi huit morts.
Confirmant les propos d’Ibrahim Refaat, Muhammad Tahir Al-Kurdy déclare dans son livre L’histoire de La Mecque et de la Kaaba qu’une accumulation de litiges à l’intérieur des limites du Haram (zone sacrée) avait lieu durant la saison du Hajj. Il rappela, en outre, le combat s’étant déroulé entre Safaa et Bab-Al-Wadaa en 1326H (correspondant à l’année 1908). Cet incident affrontant deux camps ennemis causa la mort de plusieurs militaires et civils.
Les dangers du pèlerinage, en dehors du banditisme
Outre les voleurs et bandits, les routes empruntées par les pèlerins étaient pleines de dangers. En effet, les inondations causées par les fortes pluies étaient fréquentes au sein de la péninsule arabique mais aussi à l’extérieur. Pour exemple, les pèlerins koweitiens favorisaient les déplacements maritimes que terrestres, malgré la fatigue que cela engendrait, en raison du manque de sécurité auquel ils feraient face sur la route.
Ces périples ne concernaient pas seulement les pèlerins étrangers, mais aussi les citoyens résidant de la péninsule Arabique. Ils quittaient leurs terres, du sud ou de l’est, pour accomplir le pèlerinage. Après l’Aïd-Al-Fitr, c’est un long voyage en groupe de deux mois qui les attendaient à dos de chameau ou encore à pied avant d’atteindre La Mecque. Sur la route, nombreux ceux qui décédaient à cause d’une maladie ou de morsures de serpents.
Un objectif : garantir la sécurité aux pèlerins
Lorsque AbdelAziz Al Saoud, fondateur de l’Arabie Saoudite actuelle, prit le pouvoir en 1932, il fit de la sécurité du Hajj sa première préoccupation. Shakib Arslan, connu sous le nom d’Amir Al-Bayan (le prince de l’éloquence) qui a effectué le Hajj en 1348H (correspondant à l’année 1929) a dit : “Le simple fait que la sécurité ait été répandue sur les vies et l’argent, qui a rendue les déserts du Hijaz et du Najd plus sûrs que les rues des métropoles européennes, suffirait à couvrir le régime saoudien d’éloges.” Il raconta également qu’un jour, sur la route de Taif (ville voisine de La Mecque), il y fit tomber son manteau. De nombreuses personnes sont passées à côté de ce manteau, sans osé le toucher. Au contraire, celles-ci craignaient de marcher dessus. L’émir de Taïf, informé par le manteau perdu sur la route de Taif, fit envoyé une voiture qui récupéra le manteau afin de le remettre à son propriétaire. En inspectant ses affaires, Shakib Arslan se rendit compte que son manteau avait disparu. Il signala donc à l’émir de Taïf qu’il s’agissait du sien et qu’il l’avait sûrement fait accidentellement tombé sur la route.
Shakib Arslan décrit également la bienfaisance du roi AbdelAziz Al Saoud à travers l’histoire suivante : “Les convois de pèlerins de Djeddah à La Mecque étaient un fil ininterrompu. Les chameaux vacillaient sous Al-Shakadif (moyen de transport plus grand qu’un palanquin, spécifique aux pèlerins) et les chemins se rétrécissaient souvent bien qu’ils soient large. Comme le roi était très compatissant envers les pèlerins et les citoyens, il leur accordait beaucoup d’attention et demandait toujours à son chauffeur de ralentir par crainte que sa voiture heurte un chameau.”
Abbas Mettawaly mentionna dans son livre Mes observations dans le Hijâz à quel point il fut touché par la sécurité régnant dans le royaume d’Arabie Saoudite. Il raconta la fois où sa voiture tomba en panne sur la route entre La Mecque et Médine. Il rencontra des bédouins lui demandant la charité : “L’un d’eux vint me voir et me dit : “Donne-moi, ô pèlerin !”, je lui dit alors : “Prends ce que tu veux de ma poche.” Le pèlerin s’exclama : “Qu’ai-je fais ? Vous voulez me faire couper les mains ? Je ne demanderais rien, ô Allah, je ne demanderais rien.” Je lui répondis alors : “Ne crains rien, je ne suis pas du gouvernement”.
Il lui donna alors ce qu’il put comme argent puis passa la nuit auprès d’eux en partageant sa nourriture sans qu’ils lui portent atteinte.
Cette histoire prouve la crainte de l’autorité et de la sentence appliqué aux voleurs, là où régnait les vols et les crimes.
Ibrahim Al-Mazini, dans son livre Une journée au Hijaz, raconta qu’il perdit sa canne sur la route qui relie Djeddah et La Mecque, alors qu’il stationna à Shumayssi (administration des pèlerins) pour se reposer. La police, cherchant le propriétaire de la canne, vint le voir en lui demandant si elle lui appartenait. Après avoir récupérer sa canne, le policier lui expliqua qu’il avait fermé la route reliant Djeddah et Médine pendant une heure jusqu’à retrouver le propriétaire de la canne.
Ibrahim Al-Mazini raconta cette histoire sans aucune exagération, et dit également : “Nous étions sur la route et le chauffeur du train s’arrêta car il avait besoin d’eau pour refroidir le moteur. Nous avions l’habitude, auparavant de demander aux personnes debout d’apporter de l’eau, ce qu’ils faisaient tout naturellement. Mais lorsque le chauffeur demanda l’eau, personne ne bougea de sa place pour lui en apporter. Les gens préféraient, au contraire, lui dire de venir afin qu’il se serve lui même. J’ai alors demandé : “Pourquoi personne ne se déplace lorsque vous demandez de l’eau?” Il répondit : “Par crainte que son geste coïncide avec la perte d’un objet d’une personne présente dans le train. Alors il risquerait peut-être d’être pris pour le voleur voulant s’enfuir, et ainsi, se faire sanctionner.”
C’est pour cela que, jusqu’à aujourd’hui, Ibn Saoud a assuré la vie et l’argent des pèlerins au point où même si les gens voient une chose tombé par terre, ils attendront jusqu’à qu’un officier de police le prenne pour rechercher son propriétaire. Si le propriétaire n’est pas retrouvé, une annonce à Umm Al-Qura est faite au service “objets trouvés”.
Ref : Ministry of Hajj and Umrah